La Dre Helen-Maria Vasiliadis, professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke, mène de nouvelles recherches d’avant-garde visant à faire la lumière sur les facteurs associés à l’utilisation des services de santé mentale tout au long de la pandémie de COVID-19. Le récent article qu’elle a publié dans l’International Journal of Social Psychiatry, non seulement dévoile les nuances sur l’utilisation des services de santé mentale, mais plaide également en faveur de politiques visant à éliminer les obstacles qui entravent les soins intégrés.

Combler les lacunes de la recherche sur l’utilisation des services de santé mentale

Dans la recherche, l’utilisation des services de santé mentale est souvent évaluée de façon binaire : avez-vous utilisé les services de santé mentale ou non? Cette approche ne tient pas compte des personnes qui ont recherché de tels services, mais sans succès.

La Dre Vasiliadis préconise une approche plus nuancée pour mieux comprendre les inégalités d’accès aux soins de santé mentale parmi les Canadiens, d’autant plus que les changements apportés aux services de santé, comme le recours accru à la télésanté, pourraient se poursuivre au-delà de la pandémie de COVID-19.

Pour commencer à combler cette lacune, la Dre Vasiliadis a utilisé le questionnaire de CanPath sur la santé et le mode de vie administré avant la pandémie de COVID-19, ainsi que deux autres questionnaires administrés durant la première et deuxième vague de la pandémie.

Objectifs et aspirations de la présente étude

À l’aide des données de l’enquête sur la santé liée à la COVID-19 de CanPath (mai-décembre 2020 et janvier-juin 2021), la Dre Vasiliadis et ses collègues ont cherché à évaluer les facteurs prédisposants, facilitants et liés aux besoins qui sont associés à l’utilisation par les Canadiens des services de santé mentale jusqu’à la troisième vague de la pandémie. Selon le modèle d’utilisation des soins de santé de Andersen (1995):

• Les facteurs prédisposants peuvent inclure des facteurs démographiques (p. ex., l’âge, le sexe, la race ou l’origine ethnique), les comportements liés à la santé (p. ex., le tabagisme, la consommation de cannabis, la consommation d’alcool), la structure sociale et les croyances en matière de santé.
• Les facteurs facilitants comprennent les ressources comme la famille et la communauté, le statut d’emploi et le revenu.
• Les facteurs liés aux besoins font référence à la perception qu’une personne a de son besoin de recourir aux services de santé, pour des raisons comme son état de santé perçu, sa santé émotionnelle et mentale, son statut de santé physique et la présence de maladies.

En examinant spécifiquement les facteurs associés à l’utilisation des services de santé mentale et les obstacles à leur utilisation, les chercheurs ont pu faire ressortir des sous-groupes dont les besoins en matière de soins de santé mentale ne sont pas satisfaits.

Facteurs influant sur l’utilisation des services de santé mentale pendant la pandémie de COVID-19

Alors, quels sont les obstacles qui empêchent les Canadiens d’utiliser de nouveaux services de santé mentale, par rapport à ceux qui réussissent à le faire? La Dre Vasiliadis et ses collègues ont dévoilé les résultats suivants chez les personnes présentant des symptômes modérés et graves de dépression et d’anxiété :

L’impact des facteurs prédisposants (p. ex., l’âge)

Les personnes plus âgées étaient moins susceptibles de commencer à utiliser de nouveaux services de santé mentale que les jeunes adultes pendant toute la durée de la pandémie. Mais jusqu’à quel point?

• Les personnes plus âgées étaient presque quatre fois plus susceptibles de déclarer ne pas avoir utilisé les services de santé mentale parce qu’elles n’étaient pas à l’aise de demander des soins.
• Elles étaient également plus de dix fois plus susceptibles de ne pas avoir eu recours aux services de santé mentale parce qu’elles n’en ressentaient pas le besoin.

Il est intéressant de noter qu’aucune différence significative n’a été observée en fonction de la race ou du sexe.

L’impact des facteurs comportementaux (p. ex., le tabagisme)

Les personnes qui ont déclaré qu’elles fumaient étaient près de deux fois plus susceptibles de ne pas avoir utilisé les services de santé mentale parce qu’elles n’étaient pas à l’aise de demander des soins et parce qu’elles n’en ressentaient pas le besoin.

L’incidence des facteurs facilitants (p. ex., le revenu, le fait de vivre seul)

Le revenu et le fait de vivre seul étaient des facteurs importants dans l’utilisation des services de santé mentale.

• Les personnes qui vivent seules étaient deux fois plus susceptibles de déclarer ne pas avoir eu recours aux services de santé mentale parce qu’elles ont eu de la difficulté à obtenir un rendez-vous.
• Une baisse du revenu pendant la pandémie était également liée à la difficulté d’obtenir un rendez-vous.

Comprendre les obstacles à l’accès pour un avenir plus sain

D’après les résultats qui précèdent, il est essentiel de mieux comprendre les obstacles à l’accès aux services de santé mentale afin d’améliorer la prestation des services et de mieux se préparer aux pandémies futures.

Pour les personnes âgées, des campagnes de sensibilisation sont nécessaires pour souligner l’importance de chercher un traitement pour l’anxiété et la dépression et expliquer le processus derrière les traitements efficaces disponibles. Il y a un immense besoin d’accroître la volonté et l’aisance des personnes âgées à utiliser de nouveaux services de santé mentale au moment où elles en ont le plus besoin.

Pour les personnes dont le revenu a été touché par la pandémie ou qui vivent seules, il est nécessaire de modifier les politiques, par exemple en éliminant les obstacles du système de santé en matière de disponibilité et d’accessibilité des services de santé mentale. Des efforts plus ciblés de la part des professionnels de la santé en soins primaires pour identifier et suivre les personnes vivant seules et souffrant d’anxiété et de dépression dans leur région pourraient être requis, car ces dernières sont plus à risque d’avoir des besoins non satisfaits en matière de services de santé mentale.

Que ce soit par le biais de la promotion de politiques, du soutien communautaire ou de la sensibilisation individuelle, chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour bâtir un avenir plus sain. La Dre Vasiliadis et ses collègues préconisent des campagnes de santé publique qui font la promotion de comportements sains et de politiques visant à réduire les obstacles économiques et sociaux à l’intégration de la consommation de substances et des soins de santé mentale.

Informations sur la publication

Vasiliadis, H. M., Spagnolo, J., Fleury, M.J., Gouin, J.P., Roberge, P., Bartram, M., Grenier, S., Shen-Tu, G., Vena, J. E., Wang, J. (2023). Factors associated with mental health service use during the pandemic: Initiation and barriers. International Journal of Social Psychiatry, 207640231194489. Advance online publication. https://doi.org/10.1177/00207640231194489

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